DĂ©couverte Ă  Beaumont-le-Roger –2009

DĂ©couverte Ă  Beaumont-le-Roger –2009

La pierre gravée de Beaumont-le-Roger

A l’occasion d’une conversation avec une habitante de Beaumont-le-Roger, j’appris l’existence d’une pierre gravĂ©e qui semblait ancienne. Elle me dit l’avoir trouvĂ©e sous la montĂ©e de l’escalier extĂ©rieur de sa maison. Cette pierre servait alors de support Ă  deux bouteilles de gaz d’oĂč les deux cercles d’oxydation visibles sur la photo. Mais n’en ayant plus l’utilitĂ©, cette pierre une fois retournĂ©e se retrouva posĂ©e au sol comme seuil du mĂȘme escalier. Ma premiĂšre idĂ©e Ă©tait que cette pierre faisait partie d’un monument funĂ©raire ancien mais il me fallait le vĂ©rifier…

Pierre lors de sa (re)découverte à proximité du parc Chantereine.

Cette dalle rectangulaire de calcaire blanc fait un peu plus d’un mĂštre de long, pour environ trente centimĂštres de large et Ă  peu prĂšs sept centimĂštres d’Ă©paisseur. La face cachĂ©e, une fois exhumĂ©e, rĂ©vĂ©la un texte en latin en partie altĂ©rĂ© mais dont de large extrait permettait Ă  notre ami Ulysse LOUIS d’en trouver le sens. Il s’agissait de vers d’Horace (Ode II, 3) mais le graveur ou le commanditaire avait pris la libertĂ© de modifier lĂ©gĂšrement le texte original puisque QVO est remplacĂ© par des points de suspension.

[QVO]… PINVS INGENS ALBAQVE POPVLVS

VMBRAM HOSPITALEM CONSOCIARE AMANT

RAMIS QVID OBLIQVO LABORAT

LYMPHA FUGAX TREPIDARE RIVO.

Le pin svelte et le blanc peuplier

Aiment Ă  mĂȘler l’ombre hospitaliĂšre

De leurs ramures qui détournent

Cette source vive contre sa rive.

Du fait du lieu de sa dĂ©couverte, du passĂ© local, du sens du texte et du style de gravure, l’idĂ©e saugrenue que cette pierre ornait le parc de la villa Chantereine me traversa l’esprit.

En effet au XVIIĂšme siĂšcle fut construit Ă  Beaumont-le-Roger un gracieux manoir dont certains disent qu’il Ă©tait l’Ɠuvre d’un certain Mansart. Et Ă  cette pĂ©riode dite du « Grand SiĂšcle », les poĂštes antiques Ă©taient remis Ă  l’honneur. AprĂšs avoir traversĂ© les vicissitudes de la RĂ©volution, le manoir fit partie du cadeau de rupture que NapolĂ©on 1er offrit Ă  JosĂ©phine en 1810. En 1919, un artiste peintre amĂ©ricain, Louis Aston Knight donna un grand Ă©clat Ă  l’ancienne demeure. Il transforma les lieux en amĂ©nageant plusieurs Ă©tangs, piscines, fontaines, canaux et cascades dont il s’inspirait pour peindre ses toiles. Le vaste jardin Ă©talait un tapis de fleurs multicolores, fouillis de fleurs rustiques et sauvages. Malheureusement, le manoir Chantereine fut totalement dĂ©vastĂ© par les bombardements aĂ©riens du 17 aoĂ»t 1944, quelques jours seulement avant la libĂ©ration de la ville le 23 aoĂ»t.

AprĂšs avoir pris contact avec Patrick R. Knight, petit-neveu du dernier propriĂ©taire de la villa mais qui m’a dit ĂȘtre trop jeune Ă  l’Ă©poque pour avoir le souvenir de cette pierre dans le parc.

AprĂšs avoir eu l’occasion d’Ă©changer avec Simone ArĂšse nĂ©e Margas, qui dans son enfance avait jouĂ© dans le parc sinistrĂ©, souvenirs qu’elle narre dans ses Ă©crits comme ce texte non publiĂ© Ă  ce jour.

« […] dans le parc d’une presqu’üle, rendu Ă  la sauvagerie aprĂšs qu’une bombe alliĂ©e y eut pulvĂ©risĂ© le manoir de Chantereine appartenant Ă  Aston Knight, artiste amĂ©ricain, surnommĂ© le peintre des eaux, qui avait Ă©tĂ© cĂ©lĂšbre, dans mon village, pour les dames se baignant dans sa piscine, laquelle resta, aprĂšs la destruction du manoir et de son parc, un grand bassin vide, fendu, cernĂ© d’herbes folles, propice aux rĂȘveries mĂ©lancoliques […]. »

Il me faut bien admettre qu’aucun indice ne vient Ă©tayer mon idĂ©e.

Une partie de ce parc constitue aujourd’hui, la salle des fĂȘtes, les terrains de tennis et le jardin d’agrĂ©ment de la mairie de Beaumont-le-Roger, l’autre partie du parc avec notamment le jardin Ă  la française est sous le boulevard de Magenta qui traverse dĂ©sormais cette commune comme le montre cet extrait du cadastre de juin 1945 rĂ©alisĂ© en vue de la reconstruction du centre ville. Seules subsistent les anciennes Ă©curies qui sont aujourd’hui, une ravissante demeure sur les bords de Risle.

Extrait du cadastre de juin 1945 pour la reconstruction du centre ville de Beaumont-le-Roger.

Si les maigres indices rassemblĂ©s et la mĂ©moire des contemporains de la splendeur de cette villa et de son parc, ne permettent pas de corroborer cette idĂ©e saugrenue, il faut reconnaĂźtre que rien ne l’interdit et j’aime Ă  penser que cette pierre est un vestige du parc Chantereine littĂ©ralement « Chante Reinette » en hommage au chant des grenouilles du parc.

Patrick DOUAIS, 2009.

Je remercie pour l’aide prĂ©cieuse qu’ils m’ont apportĂ©e dans cette enquĂȘte :

Laura MAGGIORANI, Pierre ROUSSEL, Ulysse LOUIS, Patrick R. KNIGHT, Simone ARESE, GĂ©rard GALLICHET, Serge DESSON.